L’intelligence artificielle devient, en informatique de santé, un concept de plus en plus « concret » dans le quotidien des praticiens et des patients. Grâce à un historique d’informatisation de données de plus de 30 ans, les solutions IA sont aujourd’hui à même d’apporter de plus en plus de valeur ajoutée aux applications. Même si les approches d’Alicante, de Docaposte, de Sancare ou encore de Santeos ne sont pas strictement les mêmes, le crédo commun est bel et bien celui de l’analyse d’une masse d’information de moins en moins maîtrisable par l’humain…
Petit à petit, l’intelligence artificielle (IA) investit le secteur de l’informatique de santé. Jusqu’à ces dernières années il s’agissait d’une incursion essentiellement « backoffice », c’est-à-dire au cœur même des progiciels sans que l’utilisateur final s’en aperçoive. Les modules déployés étaient plus techniques que fonctionnels. Aujourd’hui, l’IA apparaît au grand jour pour proposer des fonctionnalités avec plus de valeur ajoutée : repérage de patients à risques, suggestion de diagnostics, prédiction PMSI, identitovigilance, localisation géographique de risques épidémiques, dépistage de patients éligibles à une chirurgie particulière (cardio-vasculaire, cancérologie, etc.). Cela étant, la révolution numérique de l’IA en santé est à peine amorcée. Outre la formation et la recherche, elle impacte désormais l’exercice quotidien de la médecine. Stratégiquement, l’approche des éditeurs et intégrateurs de solution est essentiellement basée sur le cas d’usage « métier » dans une logique agile et itérative avec une cible essentielle de déploiement : un cloud européen souverain pour la recherche couplé à une plateforme de gestion du consentement global des patients.
L’offre IA en santé reste pour l’heure assez disparate et difficilement comparable. Chez Alicante, l’offre DATA-IA Santé, basée sur l’analyse temps réel des dossiers médicaux, intègre, via la Plateforme InquIA© (référencée UniHA), un entrepôt de données embarquant un moteur d’indexation, d’analyse sémantique et de recherche instantanée (ScanSIH©). En complément de cette base, Alicante décline quatre suites logicielles entièrement paramétrables, modulaires et intégrables aux SIH existant : DIMbox© (prédiction, contrôle et optimisation PMSI), ElucID© (identitovigilance), OpcyClin© (aide à l’inclusion dans les essais cliniques/cohortes), Phygie© (détection, prévention des risques). Parmi les clients d’Alicante on retrouve des structures privées mais aussi des CHU (L’AP-HP à Paris, les HCL à Lyon, le GHICL à Lille, etc.) et des CH de toute taille (Valenciennes, Orléans, etc.). L’un des objectifs d’Alicante est de proposer, avec un ROI rapide, des solutions adaptées aux usages concrets dont l’optimisation du codage et de la facturation des dossiers médicaux, utilisable pour le profilage de patients. Ce créneau d’optimisation du codage et du contrôle des dossiers médicaux en vue de leur facturation est aussi l’apanage de SANCARE, une start-up d’une trentaine de personnes spécialisée en Machine Learning appliqué aux données hospitalières. Sélectionnée par Paris-Biotech Santé, SANCARE propose un logiciel d’aide au codage, capable de prédire les diagnostics MCO à partir de tous type de DPI. La solution, actuellement déployée dans une quarantaine d’établissements publics ou privés, s’appuie sur trois axes : le primo-codage pour proposer un codage simple et rapide avant validation, le contrôle qualité permettant d’identifier d’éventuelles revalorisations ou survalorisations et enfin l’automatisation du codage des séances et des séjours répondant à des critères de confiance élevés. Pour Santeos, la révolution numérique associée à l’IA offre des perspectives nouvelles d’amélioration de la qualité des soins, de la qualité de vie des patients, et de maîtrise des coûts dans l’ensemble des systèmes de santé. Hébergeur de données de santé (HDS) et doté d’une double expertise santé et numérique, Santeos accompagne les établissements de santé, les laboratoires pharmaceutiques, les mutuelles et assurances santé, les grandes institutions du monde de la santé ainsi que les start-up et projets d’innovation sur des sujets d’e-santé tels que les parcours patients, la e-prévention, la télémédecine, l’imagerie partagée ou encore la valorisation des données.
Au cœur de l’IA : la valorisation de la donnée
Pour les acteurs du secteur santé, plus particulièrement les hôpitaux, les « informations » sont perçues comme une source de coûts et un générateur de risques alors, qu’en réalité, elles constituent une source de valeur potentielle inestimable. Du point de vue de Santeos, la médecine de l’avenir sera une médecine augmentée, qui bénéficiera du meilleur de l’IA au service de l’humain. Cette médecine sera tout à la fois prédictive, préventive, personnalisée et participative. Elle devra notamment prendre en compte l’ensemble des variables biologiques, comportementales et environnementales des patients. Ces derniers, mieux informés et connectés, deviendront alors des acteurs éclairés de leur santé sur la base de la masse colossale d’informations de santé engrangées depuis plus de 30 ans. A titre d’exemple, les données exploitées par Alicante sont des informations hospitalières massives et hétérogènes : un million de documents, 500 000 dossiers patients, plusieurs millions de résultats d’analyses biologiques, des prescriptions médicamenteuses, etc. La connaissance fine de la donnée de santé, à plusieurs niveaux (du séjour d’un patient aux bases nationales et internationales), permet une meilleure anticipation et une meilleure gestion des impacts d’une épidémie. Chez DOCAPOSTE, le crédo est celui de l’optimisation de l’analyse des données de santé en vie réelle au service d’une amélioration de la prise en charge thérapeutique des patients. C’est dans cette logique que le consortium AGORIA SANTE regroupant Docaposte, Astrazeneca et Impact Healthcare a été créé. Ces trois membres fondateurs partagent la conviction que la collaboration est porteuse de valeur pour l’ensemble des acteurs du système de santé français : patients, établissements de soins, professionnels de santé, chercheurs, pouvoirs publics et industriels. La collaboration apporte ainsi des réponses à plusieurs freins au développement de l’exploitation des données de santé : des technologies analytiques avancées, la maitrise nécessaire du cadre juridique dans un environnement très régulé et la recherche d’un modèle économique pérenne pour soutenir la collecte et la valorisation des données. Cette collaboration s’illustre également par le partage de bases de données, codes sources et algorithmes, permettant d’optimiser les recherches au bénéfice de la collectivité. Pour Olivier VALLET, PDG de Docaposte, « AGORiA SANTĒ est en droite ligne avec notre stratégie santé qui repose sur la sécurisation et le traitement des données de santé. Cette initiative correspond à notre positionnement de tiers de confiance numérique souverain et correspond à notre volonté de nous inscrire fortement dans la conduite de projets de recherche sur les données de santé pour le bien de la collectivité. ».
La « concrétisation » IA sur la base des données
Chez SANCARE, la sécurité et la confidentialité des données sont assurées par le fait que l’ensemble des données restent au sein du SI de chaque hôpital. SANCARE prête à l’établissement un serveur doté de grandes capacités de calcul pour la numérisation de l’ensemble des éléments du DPI : comptes-rendus, notes médicales, résultats d’examens, prescriptions pharmaceutiques, dossier infirmier, etc. L’approche du consortium AGORiA SANTE privilégie le Cloud (hébergement HDS de Docaposte). La plateforme s’appuie sur une technologie de Data Science intégrant l’IA à travers l’outil DataChain® développé par Adobis, éditeur français basé à Grenoble, qui a récemment rejoint le groupe Docaposte. Le catalogue de données d’AGORiA SANTĒ devrait permettre le croisement de plusieurs bases de données, y compris avec le SNDS (Système National des Données de Santé). Chez Santeos, la « concrétisation IA » s’est traduite dans l’amélioration du taux de succès des greffes allogéniques du rein. Une alliance de médecins, de chercheurs et d’ingénieurs (Atos, Sorbonne Université, SeqOne et BioFacet) ont œuvré à l’amélioration du pronostic et du diagnostic de rejet de greffe avec une méthode issue de l’IA visant à modifier l’attribution des greffons en fonction de paramètres allogénomiques donneur/receveur. Le concept a été testé avec un taux de succès remarquable sur trois cohortes de patients transplantés et illustre parfaitement l’approche intégrée de Santeos : la synergie résultant de l’union d’universitaires et d’industriels qui, dans le cas d’espèce, a permis un transfert entre recherche fondamentale et application médicale effective. Reste à le décliner à l’identique dans d’autres domaines de la recherche en santé tels que l’analyse automatique d’images ou la détection de tumeurs dans des clichés radiographiques.