My SIH magazine a eu l’opportunité de s’entretenir avec Mme Valérie PELLETIER – Pharmacien Hospitalier – à propos de l’évolution du projet d’automate de dispensation du CHU de Rouen vers un déploiement régional au sein du GHT : il n’en fallait pas plus pour essayer de comprendre les clés du succès de ce projet fédérateur…
my SIH magazine :: Pouvez-vous nous rappeler votre environnement SIH ?
Valérie PELLETIER (V.P.) : Nous disposons d’un Dossier Patient Informatisé conçu en interne, la prescription informatisée de HEO et le plan de soins de CROSSWAY HOPITAL de Maincare Solution. Côté Pharmacie, l’outil métier est Pharma® de Computer Engineering. Cette application joue un rôle de pivot. Elle est en lien avec le robot de dispensation globale BD RowaTM et la GEF de CPage pour la gestion économique. Au niveau des services, les commandes sont passées sur Pharma Web, chaque service disposant d’une dotation personnalisée selon son secteur d’activité et/ou sa spécialité.
my SIH magazine :: Quel a été le point déclencheur de votre projet ?
V.P : Lorsque la gestion médicamenteuse s’appuie sur des procédures manuelles il y a nécessairement des tâches redondantes, chronophage et source d’erreurs. Notre objectif premier était donc d’optimiser et de simplifier la gestion du médicament dans un souci d’amélioration de l’efficience et de diminution des erreurs médicamenteuses. Les clés d’un tel objectif sont énoncées dans la règle de cinq B : « Le Bon patient, le Bon médicament, la Bonne dose sur la Bonne voie et au Bon moment ». Il faut donc que la pharmacie s’oriente davantage vers des activités cliniques, action qui passe nécessairement par un redéploiement de personnel en interne à la PUI, essentiellement les préparateurs en pharmacie. Il fallait trouver une solution pour libérer cette catégorie de personnel de l’activité de réassort des boîtes de médicaments dans les armoires des unités de soins. C’est de cette nécessité qu’est venue l’idée d’un automate à dispensation globale. L’intérêt de l’automate est de garantir la sécurisation de la délivrance tout en optimisant les stocks et les flux. Globalement, c’est la qualité de la prestation pharmaceutique qui est améliorée.
my SIH magazine :: Comment s’est déroulé la mise en place du projet ?
V.P. : Plusieurs actions ont été menées dans le cadre de ce projet. Il s’agissait tout d’abord de visiter des établissements de santé dotés d’automates à dispensation globale. Cette phase de découverte des différentes solutions existantes sur le territoire national a été essentielle dans notre démarche, notamment, dans la cadre de l’expression de notre besoin. Nous sommes bien évidemment passés par un Appel d’Offres sachant, qu’à l’époque, ce type de matériel ne faisait pas partie du catalogue de notre centrale UNIHA. Dans l’expression de besoins, il fallait tout d’abord définir les données d’entrée du robot : la volumétrie des commandes des services, le nombre de boîtes à stocker, les retours des services de soins, etc. Nos contraintes étaient également sur les possibilités de déconditionnement des boîtes intégrées au robot. En sortie, outre les sorties pour l’approvisionnement des armoires des unités, il était indispensable de pouvoir prendre en compte l’activité de rétrocession (pour les patients ambulatoires dont les médicaments ne sont pas disponibles dans les officines de ville) et la gestion des demandes urgentes ; c’est-à-dire les demandes des services sur des thérapeutiques non présentes dans la dotation de l’armoire.
my SIH magazine :: Quelles ressources ont été mobilisées et sur quelle durée ?
V.P. : Côté ressources, l’essentiel du travail a été assuré par l’équipe de la PUI. Nous nous sommes entourés d’informaticiens pour exprimer, au niveau de l’Appel d’Offres, nos besoins en termes d’interface entre le robot BD RowaTM et le logiciel Pharma. Le service Biomédical fut aussi intégré au projet pour la partie maintenance. La phase de définition des besoins a duré environ une année. Il nous a fallu une année de plus pour défendre notre projet auprès de la Direction et six mois pour rédiger l’Appel d’Offres.
my SIH magazine :: Quelles solution avez-vous choisi ?
V.P. : Notre choix s’est porté sur le robot BD RowaTM avec une capacité de stockage de 57 000 boîtes. Cette volumétrie nous permet de stocker 68 % de nos références, sachant par ailleurs que sont exclus d’office les produits réfrigérés et les stupéfiants régis par une réglementation spécifique. Il reste à la marge quelques produits ésotériques : incompatibilité par rapport aux contraintes de dimensions ou de poids maximal des boites, absence des informations de QR Code ou Data Matrix ; des informations qui s’avèrent indispensables pour le classement au sein du robot.
my SIH magazine :: Que faut-il retenir de la phase de déploiement et des délais ?
V.P. : Concernant le déploiement, la commande a été passée un 1er janvier pour une installation annoncée au 1er mai sur une durée d’un mois. C’est effectivement ce qui s’est réellement passé sans retard ! Le paramétrage et la formation du personnel se sont déroulés sur 15 jours et il a fallu ensuite 15 jours supplémentaires pour remplir le robot. Nous avons démarré au 1er juillet en mode « Big-Bang ». En synthèse, le déploiement s’est donc fait en deux mois. L’un des points essentiels a été l’implication du personnel de la PUI car il fallait poursuivre les activités dans des conditions de travail le plus acceptable possible avec la construction du robot à l’emplacement d’étagères de stockage. Ainsi toutes les semaines durant 6 mois, des réunions incluant le personnel ont permis de favoriser l’appropriation du projet dans sa globalité (conduite aux changements).
my SIH magazine :: Quels ont été les gains constatés ?
V.P. : Facilement adopté par le personnel, l’outil est apprécié pour la sécurisation du stock, la diminution des risques d’erreurs, l’ergonomie de travail et le gain de temps, notamment, au niveau de la recherche des périmés sans avoir à se faufiler entre deux travées d’étagères ! Une partie du personnel ayant auparavant la charge manuelle de ces tâches a pu être redéployée. Nous sommes passés d’une charge de 4H à 2H30 pour le réassort des armoires des unités. Par ailleurs, l’un des avantages, non anticipé avant le démarrage, a été le gain de place : la zone de stockage a été considérablement réduite et la zone d’activité du personnel est désormais plus confortable. Le robot enregistre les informations de péremption et organise les sorties en mode « FIFO ». Par sécurité, les équipes disposent de la possibilité de bloquer les produits x jour à x mois avant la fin de péremption. Le changement a été totalement transparent au niveau des unités de soins. Ils ont pu simplement constater un temps de préparation et de livraison beaucoup plus court. Les livraisons dans les services se font sur une cadence bi-hebdomadaire avec la possibilité de commander jusqu’à 8h pour une garantie de livraison avant midi le jour-même.
my SIH magazine :: Avec l’important recul d’exploitation dont vous pouvez faire état à ce jour, que pouvez-vous dire sur les éventuels dysfonctionnements et arrêts d’exploitation ?
V.P. : En six ans d’exercice un seul module sur trois a été bloqué moins d’un jour entre 16 heures et midi le lendemain. La hotline, particulièrement efficace, nous permet d’être autonome sachant que nous disposons d’un stock minimum de pièces de rechange. L’essentiel du suivi se fait en télémaintenance avec une connexion directe sur le robot et, si nécessaire, un pilotage à distance des caméras disponibles au niveau des bras des modules.
my SIH magazine :: Quel a été le point essentiel de la réussite de votre projet ?
V.P. : ne s’agit pas seulement d’acheter un outil, il faut aussi s’intéresser à toute l’organisation connexe. C’est LE point fondamental. Le fait multiplier les visites sur différents sites permet de se faire une idée précise des aspects organisationnels, les situations d’échec sont généralement à imputer à l’organisation, pas aux aspects techniques liés à l’automate lui-même.
my SIH magazine :: Quelles sont les prochaines perspectives ?
V.P. : Nous allons déménager pour nous installer sur une plate-forme avec plus de place et une évolution probable vers une dispensation nominative. Ce projet est en lien avec le déploiement du GHT régional dont le CHU est l’établissement support. Avec un rendement actuel de sortie de près de 1400 boîtes à l’heure, la prise en charge du GHT devrait se faire avec des évolutions mineures du côté du robot.